Escale à Pago-Pago by Gérard de Villiers

Auteur:Gérard de Villiers [Villiers, Gérard de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Espionnage, SAS
Éditeur: Plon
Publié: 1969-11-01T23:00:00+00:00

CHAPITRE X

Il y avait exactement soixante-dix-sept églises entre l’aéroport d’Apia et l’entrée de la ville.

Une tous les cinquante mètres. Des presbytériens de gauche aux luthériens de droite, en passant par toutes les sectes de choc à la chasse aux âmes. Dans la plupart des villages traversés, l’église était la seule construction en dur, soigneusement entretenue.

Alors que la route n’était la plupart du temps qu’une ornière semée d’énormes trous, où la vieille Ford dans laquelle avaient pris place Malko et son gros Néo-Zélandais menaçait de se briser à chaque tour de roue.

Malko se laissa prendre au piège de cette sainte apparence.

– Voilà un peuple plein de religion, remarqua-t-il. C’est plutôt rare par ici.

Le gros Néo-Zélandais manqua s’étrangler de joie.

– Vous rigolez ou quoi ! Ces gars-là sont superstitieux, c’est tout. Les missionnaires les endoctrinent et leur font croire qu’en construisant des églises ils gagneront le paradis. Alors, ils y vont comme des fous. Pour construire l’église, ils volent, ils assassinent, ils prostituent leurs femmes. Puis, quand elle est finie, ils se sentent la conscience tranquille pour le restant de leurs jours et fis n’y mettent plus les pieds. Mais c’est un bon racket pour les missionnaires. Lés mormons leur, ont fait construire trente-sept églises. C’est pas mal pour une population de cent cinquante mille habitants.

– Les mormons ? fit Malko, surpris.

C’était plutôt inattendu de trouver des mormons dans cette île perdue.

– Ce sont les plus forts, ici, souligna le Néo-Zélandais. Ils prospectent systématiquement tous les villages, vivent avec les Samoens et essaient de leur expliquer qu’il ne faut pas faire l’amour en tas dans la même famille...

– Et Ils y arrivent ?

L’autre ricana cyniquement :

– You bet ! 1 Leurs missionnaires ont déjà du mal à ne pas céder à la contagion... Tenez, voilà leur mission principale. C’est chouette, non ?

Malko aperçut à travers la vitre du taxi un long bâtiment blanc, très moderne, noyé dans la jungle, en bordure de la route.

Ils arrivaient à Apia, capitale de Western Samoa. On se serait cru dans un village de western, vers 1880. Seule la rue longeant le port était asphaltée.

Le DC-3 aux trois quarts vide des Polynesian Airlines s’était posé sur une piste en herbe ! L’aéroport se composait en tout et pour tout d’une cabane en tôle ondulée dans laquelle il faisait 45°. Il y avait un vol par jour avec Pago-Pago quand le temps le permettait.

La demi-douzaine de passagers blancs s’étaient retrouvés dans l’étuve. Un douanier samoen s’était jeté avec des gloussements de joie sur les valises du voisin de Malko, représentant en articles de bureau. En n’exigeant rien moins qu’une déclaration séparée pour chacun des échantillons. Au rythme où il travaillait il n’aurait jamais fini avant la saison des pluies.

Lorsque Malko avait quitté la douane, le représentant pleurait. Pour lut cela s’était bien passé. Mais les Samoens n’accueillaient les touristes qu’avec réticence. Vivant en autarcie, ils préféraient rester à l’écart du progrès. Ce à quoi ils parvenaient parfaitement d’ailleurs.

Les Allemands qui avaient jadis occupé l’île, par un caprice de

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